On s'apperçoit vite en regardant mon travail, que je n'ai qu'une passion, qu'un seul sujet: le portrait.
Le personnage d'un portrait est un être déconcertant, taciturne, mais profondément sincère.
Sa simple présence est lentement subversive car il pose, encore et encore,
son regard sur nous et sur le monde, avec intransigeance et compassion.
On le croit indifférent: en fait il observe;
on le trouve distant: loin de là, il prend tout à coeur et
on ne sait jamais s'il fait de l'art ou de la philosophie.
Sa nature mélancolique se cache parfois derrière un certain cynisme
et il a toujours l'air d'un noyé qu'on a sauvé du pire.
Il a le courage dont on manque, l'intégrité qui nous fait défaut.
Il sait le pouvoir de l'imaginaire et les utopies auxquelles on refuse de croire.
Il connaît l'obscurantisme auquel on est irrémédiablement condamné.
Sombre, oui, mais incurablement optimiste.
Lui qui a l'éternité devant lui, paradoxalement, nous rappelle la fragilité des êtres et des choses.
Le portrait est une entité, la fraction d'une réalité bien plus vaste.
Il est l'image de l'infini, voir même de l'infinie tendresse.
Complexe, donc, l'habitant du portrait, mais radical aussi,
car, avec lui, pas de faux-semblants, pas de politesses:
soit il vous regarde, soit il regarde ailleurs, et quand il ferme les yeux, c'est qu'il rêve ou bien qu'il est mort.
UN PEU DE METAPHYSIQUE:
Unique habitant de son royaume grand comme un cadre où chaque jour est jour d'Epiphanie,
le personnage d'un portrait est l'image même de la solitude,
une solitude métaphysique aussi réelle qu'une barque sur l'océan.
Il doit affronter la vie et le regard des autres sans aucune certitude.
Comme nous.